Le discours dominant met au poste de commande des maîtres mots qui sont également les mots du maître. Le maître mot travail est l'un d'eux, l'un des plus redoutables car il intime la servitude "volontaire", servitude qui veut dire le renoncement à la liberté. La retraite devient, dans ce cadre, une compensation modique de la servitude qui laisse, le plus souvent, le travailleur (ou bien la travailleuse) face à sa misère: n'être rien.
Le travail de l'inconscient - le travailleur infatigable par excellence, met en jeu la liberté du désir du sujet de l'inconscient, liberté entendue comme l'assentiment donné à la loi symbolique du désir c'est à dire la loi même de la parole. Sigmund Freud, à l'égal des créateurs divers, était un travailleur infatigable et acharné.
D'autres maîtres mots opèrent dans le discours du cynique: société, sexualité, culture et quelques autres dont la communication.
La révolution (enjeu politique d'une société) et l'ambition (enjeu politique d'un individu) ont fait place à deux problématiques récurrentes: la société (voire le sociétal - mot obscène) et la sexualité.
Les travailleurs acharnés de l'écriture, dont Sade ("Français, encore un effort") et Flaubert ("L'éducation sentimentale"), ont mis au jour les grandes transformations de quelques maîtres mots du discours cynique: la révolution et la reproduction de l'espèce humaine. Les grandsproblèmes de société démontrent que la révolution est devenue impossible, les problèmes de la sexualité (qui inondent le monde par la communication de masse) démontrent que la reproduction de l'espèce humaine n'offre aucun mystère ni intérêt sauf pour la statistique démographique et ses enjeux politiques de masse.
La société de consommation (en partie analysée par Guy Debord depuis la thématique philosophique de l'aliénation) introduit la discontinuité dans la transmission générationnelle. La marchandise présentifie, en une sorte de sorcellerie (le fétiche) le point zéro de l'échange: l'exclusion du travail et de son histoire dans la production d'un objet.
L'échange marchand a un autre effet assez inattendu: la sacralisation c'est à dire la confiscation de l'usage. La sexualité est ainsi sacralisée afin d'en confisquer la libre jouissance (la pornographie en est le symptôme le plus flagrant).
Deux grands enjeux donc face au pire à venir des sociétés occidentales: réintroduire la continuité dans l'histoire générationnelle par une prédation de l'écriture, profaner la sacralisation et la confiscation des usages de jouissance (jouissance du féminin, jouissance de l'acte créatif, métaphorepoétique ...) par la sphère marchande.
La prédation nouée à l'écriture est ici un mot paradoxal. Les grands textes sont des proies qui nous permettent, dans l'ordre temporel, de réintroduire une continuité entre le passé, le futur et le présent.
En un sens, les manipulateurs du discours social du maître sont des charognards car ils consomment et détruisent ce qui fut lentement accumulé dans la civilisation.