vendredi 26 octobre 2007

V.W.: de l'hétéromobile

Elle ne sait pas où elle va mais, dans sa robe blanche, elle conduit merveilleusement.

Son hétéromobile est en flammes mais elle ne s'en inquiète pas, seule la différence est sa douce inquiétude.

Elle brûle et ne se consume pas. Profond mystère qui reste hors de ma portée. Un peu en arrière, je me contente d'être déplacé et c'est là ma chance.

Elle brûle et ne consomme rien. Second mystère hors de ma portée.

D'où vient cette énergie inépuisable?

Elle ne peut habiter le Dedans et le Dehors lui est fermé. Mystère du corps hors de ma portée mais qui m'est un enseignement précieux.

C'est mon enseignante. Ma gratitude est infinie.

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Farhad Ostavani

jeudi 25 octobre 2007

Pourquoi je ne poste pas la lettre au père ...

Pourquoi?, je ne l'ai jamais su mais dès que je l'ai su je ne me suis plus posé la question.

Dire que je le sais ne veut pas dire que je sois capable de savoir ce que je sais.

Je dois dire que mon père, travailleur infatigable au style simple et clair, trouvait que j'étais un coupeur de cheveux en quatre. Il avait toujours une plume de coq de bruyère à son chapeau de chasseur. Son fusil était avare de ses coups mais à chaque coup, il tuait. C'était un excellent chasseur, économe, honnête et droit comme un i (peut-être est-ce là l'origine de mes difficultés avec la virgule et de mon goût prononcé pour les italiques, les parenthèses, les crochets et les autres choses de la typographie tordue du coeur).

Il me fit cadeau de son fusil (un calibre 12). Ce fut une catastrophe, j'ai eu la honte de ma vie: impossible de le tenir en bandoulière (plus tard, j'ai ressenti la même honte avec l'appareil photographique).

Assez rapidement, j'ai su que le fusil était un problème considérable pour l'acheminement du courrier - d'autant plus que ce fusil avait été aussi celui de mon grand-père (un coq peu causant à la force physique redoutable, capable d'assommer un cheval de son coup de poing ou bien d'étrangler un fils d'un coup ou bien de forcer, sans coup férir, l'une de ses belle-filles).

Le diagnostic de mon oncle par alliance, Raphaël, fut brutal: j'avais reçu un coup de fusil en pleine poitrine et il n'était pas étonnant que j'aie du mal à écrire une lettre, plus encore de la poster. Il me prescrivit donc une opération des yeux.

Les progrès des sciences et des techniques sont d'une rare efficacité: l'opération au laser fut une totale réussite. Ma reconnaissance envers mon oncle est infinie car j'ai vu, soudainement, ce que je n'avais pu voir: j'étais la lettre que je pouvais enfin lire.

Inscription au grand registre de la dette: F.K.; A. D-W.; ...

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American ballet

Aimer/voir ... fragments sur les seins de Valentin

Voir l'invisible (sous ses différentes faces) est l'une des qualités essentielles de l'amour.

Il y a tout d'abord l'Un divisible (parfois nommé l'Unique dans "Mon Unique Amour"): faire deux de Un, par la séparation, c'est le faire réel de l'amour qui n'est pas un savoir faire de la fusion imaginaire (de deux faire Un).

Aimer c'est séparer afin d'être ce que je serai: multiple et insaisissable dans l'infini réseau des mots.

Ce que j'ai dit est déjà cendres. Ce que je vais dire est une flamme du devenir.

Mais il est possible de lire l'incandescence sous la cendre et de produire, avec le souffle, une flamme nouvelle.

Pour cela une ligne téléphonique entre le Trésor des mots et l'Un de l'Autre est de la plus haute importance. L'appareil de mon téléphone, je me dois de le dire, c'est le corps insubstituable de ma mère.

Inscription au registre de la dette: H.C.; J.L.;S.F.; ... ;V.W.; ...

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Baccio-Maria-Bacci

mercredi 24 octobre 2007

La tombe de l'amour ...

Tomber amoureux, tomber amoureuse, sont les expressions de la langue morte.

La tombe de l'amour c'est ce qui se présente en masse obscure: le malheur. Aimer le malheur de l'autre afin d'oublier le sien est une définition paradoxale du bonheur.

Peu refusent d'entrer dans la sombre maison de la mort. Il faut une forte intuition de la vie.

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Wihelm Hammershoi

mardi 23 octobre 2007

La douce dynamite du prix Nobel de littérature.

Doris Lessing est un auteur qui nous transmet l'esprit avec humour. "The grandmothers", texte de 2003 (éditions Flammarion), est un concentré d'humour explosif.

Le constat est clair: les sociétés hautement développées contemporaines ont liquidé la question du Père. C'est une solution finale réussie dont on mesure mal l'importance et la gravité car c'est aussi la fin d'un ancien ordre des choses.

Le nouvel ordre des choses (qui n'est pas si nouveau) est matriarcal.

Il est possible que ce nouvel ordre réduise considérablement la culture des névroses (ce que démontre le texte de Doris Lessing) mais ce qui est positif pour la nature c'est que cet ordre pourrait clore la terrible histoire de la terre: la présence humaine.

Ce serait la dernière bonne nouvelle.

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Claas Arnaud

Donner/prendre ...

L'amour de H.C. pour le téléphone est symètrique, en intensité, de sa haine pour l'appareil photographique.

C'est une question de flux et des moyens pour y faire face.

La vie est un flux vital que les mots peuvent ensérer dans les trous du filet. Aucun poisson d'argent n'y est retenu mais le vivace fait trace.

L'écriture est du côté du don: l'argent est donné sans compter. Plus on donne, plus il y en a. C'est là le miracle du trésor des mots.

Prendre une photographie c'est prendre ce qui est découpé par l'appareil dans le flux lumineux des couleurs. La prise du flux par l'image photographique est une rétention avaricieuse de l'objet, venu du réel de la lumière.

A la différence du tableau, une photographie ne me regarde pas, elle détruit l'objet cause du désir. C'était probablement là une des intuitions de M.D.: Le cinéma a pour fonction de détruire le livre disait-elle.

Inscription au registre de la dette: Hélène Cixous in "Si près" éd. Galilée

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Prise de la Loire par Jean-François Souchard

dimanche 21 octobre 2007

La douleur (conte pour l'enfant) ...

La source de ses larmes était obstruées depuis bien longtemps. Il n'en savait ni la raison ni la cause. Ce qu'il ne savait pas (ou bien ne voulait pas savoir) c'est qu'elle n'existait pas et que cela la faisait pleurer toutes les larmes de son corps.

Il avait toujours était assez ignorant de la vie mais elle en était la vérité même - c'était là sa chance.

Longtemps, ils n'avaient pas été du même bord. Ils se rencontraient sans se voir. Il s'en accommodait - comme tout les grands prédateurs de la jungle, elle en souffrait sur la plage déserte mais ne cédait pas; infatigable et patiente, elle marchait silencieusement toute les nuits.

Parfois, les mots inconnus et familiers nous tordent de douleur car le corps refuse la nudité de l'être.

Nu, exposé pour la première fois de sa vie à côté de son armure défaite, il la voit. Il accepte de marcher, à son côté, au bord de la mer.

La chance ne se présente jamais deux fois.

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Norbert Pagé

jeudi 11 octobre 2007

Aller au bord de la mer ...

Ils (c'est à dire une fille, un garçon et un enfant) arrivèrent, sur la motocyclette, à Lilederé.

Une première plage immense pour l'enfant: Rivedoux.

Des parcs à huitres immenses pour le père.

L'immensité tout simplement pour la mère.

Il y avait un livre fermé: Gilderé. L'enfant ne pouvait rien en savoir mais c'était une souffrance.

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Courbet

L'arrêt du train

"Un jeune homme descendit d'un train à Reading; ..." in A Love Child de Doris Lessing.

Première phrase du plus grand bonheur de l'écriture qui ouvre l'mmence espace de la lecture.

Descendre à Reading, une ville familiale du jeune homme où il s'ennuie à mourir, est une trouvaille géniale car elle actualise l'origine même de l'écriture: traduire ce qui s'est déposé dans le granit de la montagne. Il n'y a plus de buissons ardents mais les gigantesques glaciers qui attendent la fonte.

L'écriture est du côté de l'humide.

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Anselm Kiefer

mercredi 10 octobre 2007

De l'expulsion ...

Depuis la nuit des temps, une poussée vers le dehors est devenue sa nuit.

L'expulsion est sa secrète jouissance, un noeud mortellement serré.

Expulsée du lieu où Il aurait pu habiter. C'est là son errance.

Tout fut reconduit à la frontière, même le trésor - sa partie la plus intime devenue intraductible.

Se conduire reste la difficulté essentielle.

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Soulages Pierre

mardi 9 octobre 2007

Le lieu de la parole ...


Sporadiquement, des écrivains, des philosophes, des créateurs, sont piégés dans la mise en scène télévisuelle.

L'émission de télévision de France 3 intitulée "Ce soir (ou jamais!)" - (titre à l'allure branchée), magazine dit culturel animé par Frédéric Taddeï, est un bel exemple de piège à "intellectuels".

Le thème de l'émission était celui-ci: A t'on le droit de dire du bien de la colonisation? La République est-elle raciste?

La formulation du thème est déjà la présentation d'un cirque médiatique.

Ce qui est difficilement compréhensible c'est que des écrivains et des philosophes, avertis sur les conditions nécessaires à l'émission d'une parole, se fassent piéger.

Jacques Derrida (il y a un certain temps dans une émission dite littéraire de Guillaume Durand) et Hélène Cixous (ce lundi 08 octobre à l'émission "Ce soir (ou jamais!)) ont accepté d'entrer dans l'arène du cirque médiatique et y ont laissé quelques plumes de l'ange de la parole.

La mise en scène télévisuelle (qui ne voit pas si loin que ça) bloque, par l'image animée, le lieu de la parole. Il n'y a aucune chance ni pour le sujet du désir inconscient ni pour une parole de vérité.

Il est possible que l'on puisse accepter d'entrer dans l'arène du cirque pour combattre tout en sachant de quoi l'on se démet. C'est un choix extrêmement risqué pour un auteur car il accepte par avance sa mise à mort.

"Ce soir (ou jamais!)" était un vrai cirque avec animaux féroces et "gladiauteurs". Il était très pénible de voir et d'entendre une femme qui est la finesse même sur la question délicate de la différence sexuelle - Hélène Cixous - se faire dévorer par les grands animaux de la parade phallique (dont l'un des plus éminent: un "historien" qui a pour nom Pascal Blanchard).

lundi 8 octobre 2007

Atermoyer


Le terme de chaque jour est souvent atermoyé.

La créance court toujours, la culpabilité s'accroît dans la nuit du dehors.

Mais il y a l'échéance dernière, celle qui ne peut être différée au dernier jour des jours.

Les derniers mots, souvent, disent le regret de ne pas avoir pu honorer la dette de la vie.

dimanche 7 octobre 2007

Conte pour enfant (3): la pauvreté de la Cloche


Sa mère lui reprochait de ne pas avoir "embrasser" une profession (voire une carrière) qui fasse honneur à la famille. La déception, immense, était à la mesure des espérances insensées d'une fille qui n'avait pu grandir vers sa vocation de femme.

C'était une fille courageuse qui avait trouvé dans le travail têtu et sacrificiel une preuve de son existence.

Elle avait occupé un poste qui lui tenait à coeur: directrice des grottes pétrifiantes d'un village connu, localement, pour la fabrication des savons. La pétrification était probablement sa vérité bien qu'elle ne sût rien de sa filiation mythique.

Lors d'un accident malheureux, elle rencontra un garçon qui semblait prometteur: il postulait, à ce moment, afin de devenir Président d'Honneur d'une société qui avait pour nom La Cloche d'Or. Poste prestigieux qui correspondait parfaitement à ses capacités réelles et à son destin.

La Cloche d'Or a un revers: elle est bien trop précieuse pour être frappée. Jamais elle ne sonne ni ne résonne. Ce fut là le drame de leur mariage.

Elle sut immédiatement que quelque chose clochait mais jamais elle ne put se le formuler clairement, sauf à la fin de sa [vie] lorsqu'elle eut ces dernières paroles sur la réalité de la métaphore première du malheureux garçon: C'est une pauvre cloche.

L'enfant, durant toute sa [vie] tenta de retrouver le secret de fabrication de la Cloche, le secret d'une Parole qui résonne dans l'air du soir, lorsque les oiseaux cessent leur chant.

jeudi 4 octobre 2007

De la honte d'être un homme ...


"Quiconque a éprouvé cette honte silencieuse d'être un homme a coupé en lui tout lien avec le pouvoir politique dans lequel il vit."

G. Agamben in "Moyens sans fins"; éd. Paris, Rivages.

Peut-être est-il possible de dire que la honte est l'affect fondamental qui nous permet de renouer avec notre statut de sujet du désir inconscient: avoir honte du simulacre de la vie que nous "menons" vers le pire: l'état de mort-vivant, état fantomatique qui nous fait sourd à l'appel du spectre: Donne moi une véritable sépulture de vivant-mort pour que toi tu en deviennes vivant

Renouer avec ce qui était dénié par le discours du politique c'est s'opposer éthiquement au cynisme du discours du politique et ses maîtres mots.

L'actualité vient confirmer la honte qui devrait rougir les visages: les populations de Birmanie qui cherchent à s'opposer à une dictature militaire criminelle.

Le totalitarisme de l'économie de marché continue sa propre tyrannie sur les sociétés humaines: Le groupe pétrolier Total et la classe politique française continuent de dire oui à la criminalité contre l'humain.

mercredi 3 octobre 2007

Prédateurs, profanateurs et charognards ...



Le discours dominant met au poste de commande des maîtres mots qui sont également les mots du maître. Le maître mot travail est l'un d'eux, l'un des plus redoutables car il intime la servitude "volontaire", servitude qui veut dire le renoncement à la liberté. La retraite devient, dans ce cadre, une compensation modique de la servitude qui laisse, le plus souvent, le travailleur (ou bien la travailleuse) face à sa misère: n'être rien.

Le travail de l'inconscient - le travailleur infatigable par excellence, met en jeu la liberté du désir du sujet de l'inconscient, liberté entendue comme l'assentiment donné à la loi symbolique du désir c'est à dire la loi même de la parole. Sigmund Freud, à l'égal des créateurs divers, était un travailleur infatigable et acharné.

D'autres maîtres mots opèrent dans le discours du cynique: société, sexualité, culture et quelques autres dont la communication.

La révolution (enjeu politique d'une société) et l'ambition (enjeu politique d'un individu) ont fait place à deux problématiques récurrentes: la société (voire le sociétal - mot obscène) et la sexualité.

Les travailleurs acharnés de l'écriture, dont Sade ("Français, encore un effort") et Flaubert ("L'éducation sentimentale"), ont mis au jour les grandes transformations de quelques maîtres mots du discours cynique: la révolution et la reproduction de l'espèce humaine. Les grandsproblèmes de société démontrent que la révolution est devenue impossible, les problèmes de la sexualité (qui inondent le monde par la communication de masse) démontrent que la reproduction de l'espèce humaine n'offre aucun mystère ni intérêt sauf pour la statistique démographique et ses enjeux politiques de masse.

La société de consommation (en partie analysée par Guy Debord depuis la thématique philosophique de l'aliénation) introduit la discontinuité dans la transmission générationnelle. La marchandise présentifie, en une sorte de sorcellerie (le fétiche) le point zéro de l'échange: l'exclusion du travail et de son histoire dans la production d'un objet.

L'échange marchand a un autre effet assez inattendu: la sacralisation c'est à dire la confiscation de l'usage. La sexualité est ainsi sacralisée afin d'en confisquer la libre jouissance (la pornographie en est le symptôme le plus flagrant).

Deux grands enjeux donc face au pire à venir des sociétés occidentales: réintroduire la continuité dans l'histoire générationnelle par une prédation de l'écriture, profaner la sacralisation et la confiscation des usages de jouissance (jouissance du féminin, jouissance de l'acte créatif, métaphorepoétique ...) par la sphère marchande.

La prédation nouée à l'écriture est ici un mot paradoxal. Les grands textes sont des proies qui nous permettent, dans l'ordre temporel, de réintroduire une continuité entre le passé, le futur et le présent.

En un sens, les manipulateurs du discours social du maître sont des charognards car ils consomment et détruisent ce qui fut lentement accumulé dans la civilisation.

dimanche 30 septembre 2007

Certitude et incertitude du père ...

Inexorablement, le développement des sciences et des techniques fracture l'ordre social et moral. Le test ADN sur la paternité introduit un bouleversement de l'ordre ancien, ce qui est une bonne chose car une société humaine est un processus créatif permanent. La société a "une sainte horreur" du désordre, voire de la chienlit - mai 68 reste, à cet égard, un précieux enseignement (sur la question même de l'enseignement).

Le Réel du biologique est un fait incontournable qui nous enseigne et qui doit être formalisé symboliquement: l'incertitude biologique du père est désormais levée. Les réactions de l'ordre ancien (politiques, morales et religieuses) ne se sont pas fait attendre: en France, l'accés au test ADN fait l'objet d'une loi essentiellement restrictive afin de préserver l'ordre et la paix des familles.

Ce qui est censuré sont bien le mensonge, la trahison et la dissimulation des fille-mères (un nombre non négligeable de filles qui récusent le statut symbolique de mère) sur les aléas de la sexualité et des rencontres hasardeuses entre les femmes et les hommes. Ce mensonge, conforté et censuré par l'ordre social ancien, est destructeur car il détruit la possibilité même de la construction symbolique du référent paternel viable.

L'efficace du référent paternel suppose, de la part d'un homme, de renoncer à la folie de l'auto-fondation de sa propre loi, de l'auto-nomie. Elle suppose également qu'une mère reconnaisse et accepte la loi symbolique incarnée par un homme et référée à ce qui le dépasse: une loi hétéronomique constituée au lieu de l'Autre qui n'existe pas.

L'ordre religieux ancien s'est fracturé irrémédiablement depuis le milieu du dix-septième siècle occidental et n'est plus efficace dans l'actualité des sociétés contemporaines. Il s'agit d'inventer un nouveau lien à la loi symbolique qui donne forme aux sociétés humaines. Ce nouveau lien possible est un lien d'écritures et de lectures qui renouvelle non pas le lien de la fausse étymologie de la religion: relier, mais la relecture des auteurs qui font traces d'une recréation véritable.

Les auteurs constituent désormais le lieu de l'Autre qui n'existe pas. En ce sens, Borgès est un précurseur et un phare qui éclaire quelque peu les enjeux des sociétés contemporaines: la bibliothèque comme le représentant du lieu symbolique de l'Autre qui n'existe pas. La loi symbolique devient, dans ce cadre, une loi exonomique viable par un processus permanent entre écritures et lectures.

Cette formalisation symbolique renouvelée éclaire également la pente criminelle des sociétés démocratiques contemporaines: la destruction de l'efficace de la loi symbolique dans la construction des sociétés humaines. Le pire est à venir et c'est bien là une certitude.
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Anselm Kiefer

vendredi 28 septembre 2007

Le temps qu'il faut pour apprendre

"Le temps qu'il faut pour apprendre" est un dit de Doris Lessing. Rarement un écrivain [et son auteur momentané] exprime (par son oeuvre) avec autant de précision un cheminement vers l'extrême jeunesse possible.

Le paradoxe est le suivant: nous naissons dans la plus grande vieillesse c'est à dire que l'héritage symbolique exclu de l'ascendance pèse de tout son poids angoissant - héritage ligaturé dont l'accés reste barré jusqu'à ce qu'un désir de symbolisation vienne réduire l'inconnu/proche en construisant l'arche du passage.

Le cheminement de l'écriture est donc un voyage vers la jeunesse psychique, voyage singulier que ne peut fixer ni les biographies ni les jugements de valeur du chœur du bon sens.

Ecrire c'est également échapper à l'épinglage du jugement de valeur en ne se trouvant jamais là où on nous attend.

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Le Palézieux

mercredi 26 septembre 2007

Du plagiat ...


Depuis quelques temps, Marie Darrieussecq (qui se présente sous l'étiquette avantageuse "Psychanalyste & Écrivain") est sur une sellette peu confortable. Pour la deuxième fois, elle est accusée de plagiat. Camille Laurens ne mâche pas ses mots pour le dire.

Le plagiat est un détournement qui ne manque pas de fourberie car il met en cause la réalité même de l'auteur qui, depuis longtemps, n'existe plus.

Lorsqu'un écrivain ou bien une écrivaine essaie, en vain, d'écrire, la tentation du plagiat est grande pour faire illusion.

L'autoproclamation "Psychanalyste & Écrivain" est une charlatanerie qui ne manque pas d'aura médiatique car c'est bien l'analysant et le lecteur qui sont en mesure d'en dire quelque chose.

Au plagiat - et sa mauvaise conscience et son manque d'humour, on peut préférer le pastiche qui met en jeu un désir qui fait preuve de l'existence d'un auteur. Les pâtissiers ont souvent l'humour de la gourmandise, ce qui dénote un surmoi plutôt sympathique.


lundi 24 septembre 2007

En dernier recours: faire appel.

Désespérer c'est conserver l'espoir d'un possible appel.

Un appel eut lieu, au tout début: Acceptes tu le don de la parole?

La réponse, inaccessible, reste très diverse selon les récepteurs du message. Beaucoup disent non (les maîtres, les commandants, les politiciens, les possédants, les porte-paroles, les esclaves, les bourgeois, les singes, les perroquets, les marionnettes, les charlatans ...). Certains disent partiellement oui (religieux, universitaires, professeurs, éducateurs, névrosés de toutes sortes ...). D'autres, peu nombreux, disent vraiment oui (poètes, créateurs, psychanalystes non charlatans, prophètes ...).

Désespérer, tel Job sur le fumier de son être, c'est, en reconnaissant ma non vie, susciter un appel sous forme inversée: Vis.

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Pierre Soulages

vendredi 21 septembre 2007

J'arrive chez moi où je suis étranger ...

Être "chez soi" est une complétude problématique dans la mesure où le "chez soi" relève du connu. Le véritable voyage "vers soi" me fait arriver comme étranger "chez moi".

Ce qui m'attend est, à proprement parler, une étrangère, le corps de ma jouissance, celle qui tisse et détisse, incessamment, la matière de mon histoire.

La première boucle du voyage ne se referme pas en un cercle, elle ouvre la seconde boucle puis la suivante. Ces boucles spiralées inscrivent, en leur centre, ce qui, fatalement, m'échappe: le désir.

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Nicolas de Staël

Barbe Bleue Onassis, un contemporain ...

L'histoire de vie de Anna Maria Kelilia Sophia Kalogeropoulou est un long tissu dramatique dont la trame principale est une prédation (familiale, sociale et amoureuse).

La voix de Maria Callas a effacé les possibles et le secret de Anna Maria Kalogeropoulou. Identifiée à l'objet voix, objet devenu un fétiche érigé en divinité par une mère monstrueuse et une société prédatrice et sans pitié, elle perdait toute chance de désirer, d'exister, d'aimer.

La grâce, momentanée, de Maria Callas nouait la voix à la vie. C'est ce qui nous touche jusqu'aux larmes lorsque nous écoutons les grands moments de son chant: larmes qui sont aussi celles de la nostalgie de notre propre vie absente.

La grâce est aussi une grande fragilité, la grande fragilité de la nudité de l'être. Les prédateurs et les vampires détruisent la vie en voulant la posséder. Onassis fut un grand prédateur. On peut dire que Maria Callas en est morte.

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mercredi 19 septembre 2007

La fabrique du pré ...

Une porte est quelquefois très étonnante. Celle de Francis Ponge est verte clavecin.

[10 novembre 1962 (II). La merveille des prés, et ce qu'il m'en faut dire, si simple que ce soit et donc si difficile, est {que c'est un à plat ... qu'ils apparaissent pourtant comme un amène à plat} mais d'aiguilles dressées merveilleusement debout, dans un élan vertical un jet (d'eau incarnée) d'une merveilleuse lenteur, douceur, et d'une merveilleuse simultanéité.

uni mais millier (mais un millier uni de consciences dressées) dans une renaissance simultanée

Le végétal élémentaire à l'état naissant.

la finesse minérale et le liquide réunis, La poussière, le sable des forêts

le principe végétal

..........................maxime debout, la sève y monte

{en principe ... en finesse}

d'un seul (non d'un millier) élan

d'une magnifique énergie et persévérance mais merveilleuse lenteur et retenue pour rester aligné pour que l'un ne dépasse pas trop l'autre

une émulation extrême multipliée par la retenue obligatoire de l'élan

une évaporation concrète (solide) le liquide entraînant le solide vers le haut (de bas en haut)

le pré est l'émulation même

La transmutation à chaque instant en une nouvelle matière (la matière végétale, forme élémentaire de vie) de deux principes inertes: l'eau et le minéral, divisés et mêlés (mixés) à l'extrême +

la sève y monte .............................jet de sève debout

...............................................maxime à plat debout

................................................et jet principiel (vert principiel)

....................................................................et le vert paradis des amours enfantines]

La phusis est une montée, un élan, un élan retenu. L'élan retenu est une énigme du surgissement, de la surrection - une condition primordiale de la renaissance, de la résurrection, voire de l'insurrection contre le minéral.

Jean Oury y associe ce qu'il nomme la "déclosion".

Farhad Ostovani

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mardi 18 septembre 2007

Tout est, de nouveau, possible ...

Le jour faiblissait. Il roulait de tristes pensées sur la pente de son désespoir. Tout cela est sans freins lui disait une voix qu'il ne pouvait ne pas entendre. Pourtant, parmi toutes les portes, il avait tenté de frapper à quelques portes, les plus visibles. Mais, rien, nada, nothing, nichts.

Par le plus grand des hasards (mais était-ce un hasard?), une porte musicale le heurta et l'ouvrit, lui l'emprisonné du malheur; et ce fut le plus grand des bonheurs. D'un coup (qui n'était pas d'un seul car il savait de nouveau compter jusqu'à trois) revint le possible du nouveau.

Quelque chose avait eu lieu (dont il ne pouvait se remémorer l'origine) et avait lieu de nouveau. Il retrouvait sa phrase musicale oubliée, sa sonate intime, sa pulsation rythmique originaire.

L'ancienne berceuse le portait au dessus du sol. La voix de sa mère lui revint dans tout son corps.

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Ubac

lundi 17 septembre 2007

Destruction vivante ...

Parfois, dans le flot des choses mortes de la communication de masse, un objet insolite et vivant nous attire vers autre chose. Dans le journal Le Monde du 14 septembre, Valère Novarina dit son point de vue sur ce qu'est un acteur.

Avec la marionnette, le singe est une figure sociale extraordinairement pertinante car elle est notre condition quotidienne: imiter l'humain et donner l'illusion de la vie.

Il est donc nécessaire, en un mouvement préalable, de détruire le factice pour donner une chance au jaillissement créatif de l'humain - c'est à dire ouvrir la porte à la vie.

L'acteur acte, il ne représente pas, il n'interprète pas, il acte la vie par son corps. Les mots d'une création vraie sont le moteur qui acte le corps de l'acteur. L'acteur est ainsi le degré zéro de l'humain préparant le jaillissement de l'humain. L'acteur n'est pas une personne, c'est, littéralement personne: un signifiant qui représente, pour l'inconscient du spectateur, les coulisses du sujet du désir inconscient. C'est ce qui permet d'échapper à la "psychologie des profondeurs" qui n'est qu'une idéologie qui ne dit pas son nom.

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Velikovic

vendredi 14 septembre 2007

L'écriture du secret ...

Le secret n'est pas ce que l'on s'imagine. Les écrivains se trompent souvent sur la nature du secret en le confondant avec ce qui est tenu secret.

Ce qui est tenu secret est la plupart du temps dévoilé: Julien Green et son homosexualité, James Ellroy et la mort de sa mère assassinée, John Le Carré et l'abandon maternel, Yann Quéfellec et la mort de sa mère, John Irving et un traumatisme sexuel de l'enfance ...

Georges Simenon en dit un peu plus et livre la confusion sur le secret: il refusa obstinément une confrontation avec le travail analytique car il était persuadé que la résolution de ses problèmes assécheraient à jamais son inspiration.

Le véritable secret est un vide protégé par la métaphore primordiale. Il peut être montré sans être dévoilé. C'est exactement l'incognito indispensable du sujet de l'inconscient.

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Gérard Titus-Carmel

jeudi 13 septembre 2007

L'excitation des possibles ...

Le possible, voire le transpossible, est l'ouverture d'une histoire autre. Si le passé n'est pas clôturé par le destin, un futur devient possible, un être-là au présent devient possible.

La parole de vérité est avant tout une fiction qui ouvre un autre possible dans le passé.

Le hasard est le maître d'oeuvre non maîtrisable du possible. Il faut donc "oxymorer" c'est à dire organiser le hasard, rendre, par un chemin particulier, possible le hasard.

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Farhad Ostovani

dimanche 9 septembre 2007

La chambre vide ...

Il naquit dans une basse-cour, là où la queue du coq faisait la loi - un régime de folie totale dans la confusion des genres et des places. Il n'avait aucune chance, ce qu'il comprit très tôt sans en avoir véritablement conscience. Il s'en rendit compte progressivement, au fil des échecs implacables. La société ne paît jamais ses dettes symboliques.

Payer une partie de sa propre dette prit beaucoup de temps et d'argent. Ce fut le seul moteur de sa non vie. En finir le plus tôt possible eut été la bonne solution, la solution finale. Mais, hélas, il avait vu le jour d'un une prison catholique.

Au crépuscule de sa non vie, il fit un rêve décisif avant de mourir une bonne fois pour toute: il rêva d'une chambre inconnue totalement vide. D'un seul coup d'un seul, la constellation familiale trouva place dans le ciel bleu azur.

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Olivier Debré

vendredi 7 septembre 2007

De la cruauté ...

Par son film récent - "La femme coupée en deux", Claude Chabrol dit et redit ce qui doit être dit et redit: la cruauté, la prédation, l'égoïsme et les autres choses dont la marchandisation et le fétichisme des objets produits, d'une classe bourgeoise qui sape les fondements du lien social.

"La femme coupée en deux" est un titre que l'on peut entendre comme un titre humoristiquement racoleur relié à la naissance du cinématographe des "Frères Lumières": illusions, magies et tours de passe-passe d'une classe sociale au pouvoir économique et politique - l'arroseur arrosé est toujours le même, sous le regard de la machine, dans la grande guerre sociale.

Le film de Claude Chabrol fait un pas de plus: la prédation s'exerce sur la jeunesse en une perversion de classe. Des écrivains, au service de la culture d'une classe sociale (dont Pierre Louÿs, Gabriel Matzneff et quelques autres), fournissent les bases culturelle de la perversion. Le cycle névrose/création/culture/perversion est ainsi entretenu.

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Pal aux anneaux - Bernard Pagès

L'ouvert de l'amour ...

"Conte de printemps" d'Eric Rohmer est un film intelligent et subtil sur la question des grandes manoeuvres de l'amour, en particulier sur l'une des grandes inaptitudes à l'amour.

Une jeune femme, professeur de philosophie dans une zone mise au ban de la ville, aime la rigueur des systèmes philosophiques. La rigueur d'un système symbolique est aussi la rigueur de son système symbolique ordonnant et classant les objets. Elle ne supporte pas le "désordre maniaque" de son compagnon (par ailleurs mathématicien). Cela va jusqu'à la haine de l'appartement de son compagnon et, métonymiquement, jusqu'à la haine du compagnon lui-même.

La haine s'entend, dans la construction du film, comme fermeture d'un système symbolique rendant le sujet inapte à l'ouvert de l'amour. C'est là une forme de la frigidité assez répandue.

Pourtant, dans l'histoire du film, un objet vient perturber l'ordonnance des systèmes clos qui se côtoient: un collier de famille est devenu soudainement introuvable, un objet n'est plus à sa place et l'histoire se met en mouvement.

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Ingeborg Bachman

jeudi 6 septembre 2007

L'indisposition du missionnaire


La mission nous indispose car nous n'y sommes jamais préparés. La lettre de mission est une lettre spéciale à nous destinée. Elle arrive rarement à destination car nous sommes toujours en retard. Une administration interne, parfois bonace parfois arrogante et pénitentiaire, nous dissuade, pour notre bien, d'être là au moment de la distribution par le facteur de la vérité.

La lettre de mission nous fait missionnaire de notre propre secret - ce dont, en général, nous ne voulons rien savoir: c'est là notre ignorance la plus tenace.

lundi 3 septembre 2007

Le spectre de l'écriture ...












Ce dimanche 02 septembre, ARTE diffusait un documentaire sur la "vie" d'Agatha Miller - "Le film d'une vie" réalisé par Richard Curson-Smith.

Les noms matrimoniaux sont inscrits ainsi: Christie (devenu nom d'écrivain: Agatha Christie) et Mallowan (nom de mariage: Lady Agatha Mallowan).

Quelques éléments biographique retiennent l'attention suffisamment distraite: le spectre d'un homme armé qui hante l'enfant Agatha, l'inaptitude dans la zone de grande altérité femme/homme, la mise en scène de sa disparition après la rupture avec Archibald Christie (homme plutôt brutal très peu concerné par la subtilité de la différence sexuelle).

Un spectre hante la demeure des parents Miller - couple de rentiers (collectionneur de porcelaines rares) décrit comme un couple heureux et paisible dans le "cocon" protégé d'une famille bourgeoise.

D'où vient le spectre? Question difficile à résoudre mais son lieu de prédilection s'établit dans les énigmes criminelles construites par Agatha Christie. On peut avancer l'hypothèse que le spectre vient justement du "cocon". Le dedans hyper protégé de la famille produit une exclusion dans un dehors menaçant. Le spectre est, le plus souvent, le spectre du père qui n'est pas vraiment mort. Le père increvable est un obstacle sérieux à la navigation risquée sur la mer du discord fondamental entre les sexes. Agatha n'est pas une bonne navigatrice de la différence sexuelle. C'est certain, mais l'énergie qui soutient son écriture est très forte, malgré quelques chutes spectaculaires dont son propre évanouissement/disparition de 1926.

L'accident/évanouissement/disparition est probablement un moment fécond et fondateur du cheminement d'Agatha Christie. L'évanouissement permet l'émergeance de l'auteur anonyme qui tisse l'interminable récit du crime fondateur des sociétés humaines: le meurtre du père. Tuer réellement le père est un passage à l'acte criminel plus que problèmatique, tuer symboliquement le père est un acte fécond de l'écriture.